Le portage salarial est un compromis entre le travail salarié et le travail indépendant. C’est un statut en nette progression ces dernières années, car il offre d’une part la protection et la sécurité dont jouit le salarié, et permet d’autre part de bénéficier de la liberté d’un entrepreneur. Néanmoins, c’est une forme de travail assez méconnue, car elle est relativement nouvelle et la réglementation la concernant est très récente.
Qu’est-ce que le portage salarial ?
C’est une relation contractuelle qui lie trois parties : la société de portage, le consultant et le client.
La société de portage salarial recrute un consultant en portage (la personne portée) qui effectuera des missions auprès d’une entreprise cliente, tout en étant rémunéré par la société initiale.
Nous avons donc affaire, d’un côté, à un contrat de travail entre la société de portage et le consultant, et d’un autre côté, un contrat commercial entre la société de portage et l’entreprise cliente.
Le Code du travail, en son article L1251-64, définit le portage salarial comme « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. »
Cette relation triangulaire vise à mettre en relation un client dans le besoin d’un service avec un consultant en recherche de missions de service par l’intermédiaire d’une entreprise qui s’occupera du volet administratif de l’opération.
Concrètement, le consultant en portage salarial trouve une mission correspondant à ses qualifications. Il entre ensuite en contact avec une société de portage afin de signer une convention de portage salarial, s’il répond aux critères du profil recherché. De son côté, la société de portage négocie un contrat de prestations de services avec l’entreprise cliente. Le consultant quant à lui signe un contrat de travail avec la société de portage.
Ainsi, grâce au portage salarial, le client trouve rapidement un expert pour effectuer la mission à remplir, et le salarié porté est libéré de toute la paperasse qu’il aurait eu à effectuer en tant qu’entrepreneur indépendant. Mais nous reviendrons plus en détail sur les avantages que confère ce statut.
Le portage salarial n’est pas de l’intérim
Il est important de faire la distinction entre ces deux modes de travail, car beaucoup les confondent. La confusion vient du fait que les deux formes d’emploi impliquent une relation tripartite. Cependant, les différences entre les deux statuts sont plutôt importantes.
Premièrement, les boîtes d’intérim proposent des contrats de missions de remplacement ou de renfort en employés suite à une surcharge de travail momentanée. Ce sont des missions généralement courtes, spontanées et techniques/manuelles. Les sociétés de portage quant à elles font signer des contrats de travail en CDD ou CDI. Les missions sont des prestations de conseil, d’expertise.
Ensuite, les missions d’intérim sont proposées par les boîtes et les refus non justifiés sont pénalisants pour l’intérimaire. Il y a un lien de subordination hiérarchique entre l’intérimaire et la boîte d’intérim tandis que le salarié porté n’est lié que par une subordination juridique. La société de portage n’intervient pas dans sa manière de travailler, ses horaires, etc. et c’est lui qui choisit ses clients et ses missions, la société ne lui impose rien.
Enfin, le salarié porté négocie lui-même son taux horaire, car malgré son statut de salarié, il reste un travailleur indépendant. L’intérimaire quant à lui n’a pas grand choix, la plupart des salaires sont déjà inscrits dans des grilles tarifaires poste par poste.
À travers ces quelques différences, on se rend compte que les deux modes ne sont pas si semblables au final. D’une manière générale, l’intérim apparaît comme une forme d’emploi plutôt précaire tandis que le portage salarial paraît au contraire refléter une certaine stabilité et sécurité.
Les origines et l’évolution du portage salarial
L’aspect juridique
Les origines de ce mode de travail remontent aux années 1980 lorsque des associations proches de grandes écoles mettaient en relation des entreprises avec d’anciens élèves de ces dites écoles à la recherche d’un emploi. L’association concluait un contrat de prestations de services avec l’entreprise et embauchait un ancien élève pour effectuer cette mission.
Dans les années 1990, les associations deviennent des entreprises commerciales. De plus en plus d’entreprises de portage voient le jour, mais sans se généraliser à tous les domaines néanmoins, les profils restent restreints (gestion comptable essentiellement). Ces nouvelles pratiques interviennent dans un cadre juridique vide, les entreprises se tournent donc vers des régimes voisins tels que le travail à temps partagé.
Mais cela ne peut durer, les différences avec les autres régimes sont trop importantes, le modèle du partage prend de l’ampleur et c’est en 2008 que les partenaires sociaux s’accordent sur une définition commune, dans le cadre d’un accord national interprofessionnel. Le portage salarial sera alors « une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté et une entreprise cliente ».
Plus tard, le 24 juin 2010, un accord national professionnel est conclu. En 2013 un arrêté étend cet accord. En 2015, une ordonnance du 2 avril pose les principes fondateurs du portage salarial et donne enfin une réelle stabilité juridique à ce statut.
Deux ans plus tard, afin de renforcer la sécurité du statut notamment les conditions de travail des salariés portés, une convention collective est signée par les partenaires sociaux, convention qui s’étendra à toutes les entreprises de portage salarial.
L’aspect social
Depuis plus d’une vingtaine d’années, l’on assiste à un grand désintérêt pour le salariat. La crise de la fin des années 2000 n’y est pas totalement étrangère. Le statut de salarié, avec les toutes les contraintes qui l’accompagnent, séduit de moins en moins. Ce qui donne des chiffres mirobolants tels que : 126 % (la hausse du nombre d’indépendants sur les dix dernières années) ou encore 233 % (l’augmentation du nombre de consultants en portage entre 2006 et 2015).
Être salarié présente nombre d’avantages, mais ses inconvénients (rigidité des heures de travail, manque de temps libre, peu de perspectives d’évolution, peu de marge de manœuvre au niveau de la manière de travailler, etc.) ont fait fuir beaucoup de monde. Ces personnes qui ont fui le salariat se sont retrouvées en tant que travailleurs indépendants (freelance) échangeant la sécurité du statut de salarié contre la liberté de gérer son travail et son temps.
C’est ainsi que des milliers de salariés se sont lancés dans le monde du travail indépendant, ont quitté leurs places confortables et leurs fiches de paie mensuelles pour exercer l’activité professionnelle de leur choix, avec les horaires qu’ils désirent et les partenaires qu’ils ont choisis.
Mais, si certains ont réussi dans l’entrepreneuriat, d’autres ont échoué, se sont retrouvés dans des situations financières délicates et n’ont pas pu mener à bien leurs projets. Il n’y a pas de filet de sécurité quand on est entrepreneur : si ça ne marche pas, il n’y a pas d’assurance chômage, pas d’indemnités de fin de contrat, pas de sécurité en somme. C’est ce constat, entre autres, qui a mené petit à petit à la mise en place du statut de salarié porté, réunissant ainsi la liberté de l’entrepreneur et la sécurité du salarié.
À cela, il faut ajouter l’impact de la pandémie du Covid et du confinement. Cette crise sanitaire (et économique) a impacté le secteur du portage, comme la majorité des secteurs de l’économie, mais n’a pas freiné pour autant la progression structurelle de ce domaine de l’emploi.
Cette période particulière a été par ailleurs une cause de reconversions professionnelles importantes. Elle a poussé beaucoup de personnes issues de divers secteurs professionnels à se tourner vers le modèle du portage salarial. Les chiffres d’affaires des sociétés de portage salarial sont en effet très prometteurs et les prévisions laissent entrevoir de bien meilleurs résultats encore d’ici les années à venir.
Les avantages du portage salarial
Les avantages de ce statut sont nombreux. En voici quelques exemples :
La sécurité du statut du salarié
C’est certainement l’avantage qui pèse le plus dans la balance. Le salarié porté est à la fois un indépendant, dans le sens où il choisit ses clients, ses horaires, son domaine d’activité, etc. mais il bénéficie en même temps de tout ce dont peut jouir un salarié en termes de droits. Ainsi, il entre dans le régime général de sécurité sociale, il cotise pour la retraite, il a droit aux congés payés, à l’assurance chômage et même à une mutuelle d’entreprise.
Une gestion du temps personnelle
Le consultant n’est pas tenu par des horaires de bureau ou des emplois du temps fixes, c’est lui qui gère son temps comme il le souhaite. Libre à lui d’aménager son emploi du temps au gré de ses propres priorités. Son statut de consultant lui permet en effet de gérer ses horaires de travail comme il l’entend, la société de portage ne peut lui imposer des horaires de travail. C’est à lui choisir quel volume de travail il veut accomplir et combien de temps libre il désire se réserver pour d’autres activités extra-professionnelles.
Des facilités administratives
Créer et gérer une entreprise demande une assez grande quantité de démarches administratives, un risque financier, des procédures parfois longues et coûteuses. Le fait d’intégrer une société de portage est une aubaine pour tous ceux qui rechigneraient à l’indépendance à cause de la difficulté des procédures. Il n’est pas en effet nécessaire de passer par toutes ces étapes décourageantes, en signant un contrat avec une société de portage, c’est elle qui fera office pour lui de structure juridique.
Plus encore, toutes les obligations administratives incombant à l’entrepreneur (sociales, fiscales, comptables) sont déchargées sur la société de portage. C’est elle qui assume tout le côté « paperasse » du début à la fin. Le salarié porté est libre de ses mouvements, de se concentrer sur son activité professionnelle sans se soucier de toutes ces tâches encombrantes.
Un libre choix des missions
Intégrer une société de portage salarial ne signifie pas être obligé d’accepter des missions que vous ne voudriez pas effectuer. Le salarié porté, comme nous l’avons vu plus haut, aménage lui-même ses horaires de travail, mais au-delà de ça, il choisit également les clients avec lesquels il opère. Si un client ne l’intéresse pas, qu’un projet ne lui plaît pas, alors libre à lui de ne pas accepter la mission. Le salarié porté gère lui-même sa clientèle de façon autonome, choisissant ainsi uniquement les projets qui l’inspirent et le motivent.
Les profils concernés
Ils sont nombreux, tellement nombreux qu’en réalité il n’y a pas de profil type. On peut aussi bien retrouver comme salarié porté un jeune diplômé qu’un cadre à la retraite, un conseiller en management ou un ingénieur réseau. Le panel est large, mais pas sans restrictions.
Il existe actuellement près de 750 métiers pouvant être exercés entant que salarié porté. Ce qui fait beaucoup. Donc, commençons plutôt par les métiers ne pouvant faire l’objet d’un contrat de portage.
Les services à la personne en sont exclus, de même que certaines professions réglementées et professions libérales (un avocat ou un médecin ne peut signer un contrat de portage). Également les activités commerciales ne se prêtent pas à ce type de contrat.
Les contrats de portage salarial portent en réalité sur les prestations de services « intellectuels ». Les missions demandées requièrent souvent un certain niveau d’expertise. Il peut s’agir d’un ingénieur, un consultant en ressources humaines, un expert du digital, un consultant en informatique, etc.
Il est bon de savoir également que la convention collective impose un taux journalier minimum pour prétendre au statut de salarié porté : une activité ne rapportant pas au moins 300 euros par jour ne peut entrer dans le cadre du portage salarial.
Ce qu’il faut retenir
Le portage salarial est la possibilité pour un entrepreneur de profiter de la sécurité du statut de salarié. Il est aussi l’occasion, pour un salarié qui hésiterait à se lancer dans l’entrepreneuriat, de franchir le cap sans pour autant renoncer aux avantages d’être salarié. Beaucoup ont profité de ce statut très avantageux pour effectuer une reconversion professionnelle. C’est une forme d’emploi qui a fait subir une réelle mutation au monde du travail et d’après les prévisions de certains observateurs, c’est encore loin d’être fini.